Pourquoi je ne parle jamais d'IA au début d'un projet ?
Dans le monde de l’intelligence artificielle, on observe souvent un enthousiasme débordant lorsqu’il s’agit de lancer un projet. Une idée germe, on s’emballe, et on veut immédiatement se concentrer sur la partie la plus « sexy » : l’aspect algorithmique. Mais voilà, cette approche rapide et focalisée peut facilement conduire à une impasse.
Le piège classique : la démo « cool » mais inutile
Beaucoup de projets d’IA démarrent par une étape que j’appelle « la démonstration de faisabilité algorithmique ». L’idée est simple :
Identifier un problème ou un irritant.
Estimer rapidement un ROI (dans le meilleur des cas).
Lancer une preuve de concept (POC) en s’appuyant sur un extrait de données, parfois réelles, mais souvent simulées.
Le résultat ? Une démo qui, dans 90 % des cas selon mon expérience, finit par être présentée à une réunion d’équipe ou dans un PowerPoint… et c’est tout. Pourquoi ? Parce que passer de cette démo à une solution industrialisée nécessite un tout autre niveau d’efforts et d’investissements.
Quand vient l’étape du passage à l’échelle, on découvre souvent :
- Des données mal connectées ou non exploitables.
- Un système d’information qui n’est pas prêt à accueillir l’IA.
- Des coûts multipliés par deux (voire plus) pour intégrer, tester et maintenir la solution.
Ainsi, un projet qui semblait réalisable en deux mois avec un budget de 60 000 euros devient un cauchemar de 200 000 euros sur un an. Le sponsoring initial du projet s’effrite, et l’idée finit au placard.
Le bon point de départ : toujours parler données
Quand on me parle d’un projet d’IA, ma première question n’est jamais sur l’algorithme, mais sur les données. Pourquoi ? Parce que dans 90 % des cas, les données ne sont pas directement exploitables, malgré ce que les clients pensent.
Je recommande donc toujours de commencer par un POC, non pas pour tester la faisabilité algorithmique, mais pour valider le cheminement des données. Cette étape peut paraître frustrante, car elle est moins « glamour » et éloigne du fameux « quick win ». Pourtant, elle est essentielle.
Travailler en priorité sur les données permet de :
- Identifier rapidement les blocages techniques ou organisationnels.
- S’assurer que les données sont exploitables à l’échelle.
- Accélérer ensuite la phase algorithmique, qui devient bien plus fluide.
L’analogie : sculpter une statue
Imaginez que vous sculptez une statue. Allez-vous commencer par détailler parfaitement le nez au milieu d’un énorme bloc de granit ? Bien sûr que non. Vous commencez par dégrossir la forme générale, puis vous peaufinez les détails petit à petit.
C’est exactement la même chose avec les données. Si vous vous jetez directement sur la partie IA sans « dégrossir » les données, vous risquez de perdre du temps et de l’argent.
Une approche qui engage et rassure
Enfin, pensez à cette autre analogie : on ne commence pas un dîner par le dessert. La partie la plus satisfaisante, la « récompense », vient après avoir bien avancé. En structurant votre projet de cette façon, vous maintenez l’engagement des parties prenantes tout en maximisant vos chances de succès.